Un rêve de Phébus

Complot : j'ai les noms !

Nous avons la mémoire courte et avons oublié combien les dernières décennies (et même encore plus loin dans le temps) ont été marquées par différentes affaires, concernant aussi bien la droite que la gauche, aussi bien la gauche que la droite. On peut facilement en trouver une longue liste sur internet. Mais bien entendu, les événements présents nous paraissent toujours plus importants que ceux qui n’appartiennent plus qu’à l’histoire. Coup d’État institutionnel, assassinat, François Fillon ne lésine pas sur les termes pour galvaniser ses partisans. Beaucoup d’entre eux semblent sincèrement persuadés de l’existence d’un complot, à croire que la passion politique fait perdre toute raison. Point de départ : le Canard enchaîné reçoit des documents concernant une possibilité d’emploi fictif attribué à Mme Fillon. Le journal enquête (en réalité, je ne sais pas si on peut appeler cela une enquête puisque tout arrive tout cuit, peut-être juste quelques vérifications). Il a le choix entre publier ou ne pas publier. Il décide de publier, comme il l’a beaucoup fait dans son histoire, en s’attaquant aussi bien à la gauche qu’à la droite. Ensuite, chaque canal d’informations (télévisions, radios, journaux, sites internet) doit décider s’il reprend l’information ou pas. Là aussi, une décision individuelle, qui obéit à des raisons bien éloignées de tout complot : par exemple, « les citoyens ont le droit de savoir », ou encore « je vais avoir l’air idiot si je ne passe pas l’information ». La question de savoir si les accusations sont fondées n’a pas le temps de se poser. Comme il y a beaucoup de médias, comme certains d’entre eux diffusent 24 heures sur 24, la somme de décisions individuelles se transforme vite en emballement médiatique, mais ni plus ni moins que dans de nombreux cas précédents. Personne n’a en effet oublié les images diffusées jusqu’à plus soif d’un DSK menotté. Je n’ignore pas le cas de certains journaux ou sites internets politisés (ni même les réseaux sociaux) mais leur importance est moins grande et leurs articles s’équilibrent (Libération, l’Humanité, le Figaro, Valeurs Actuelles, etc ne vont pas dans le même sens). S’il y a complot, il est donc orchestré par les dénommés Effet de masse et Rapidité, auxquels vient se joindre M. Simplisme, le meilleur ami des journalistes. Circonstance aggravante : l’affaire concerne des salaires à la fois (peut-être) fictifs et élevés, de quoi déclencher cette passion pour l’égalité, inhérente à toute démocratie, déjà soulignée par Tocqueville. Pour l’opinion publique, Fillon, même innocent, est forcément coupable.