Un rêve de Phébus

Une nouvelle façon de renforcer la dictature de l’immédiateté mais, en même temps, des changements dans la transmission de l’information très excitants

Le titre de Libération de ce 21 mai 2011 est sans doute le plus cruel de la presse française de ces derniers jours (peut-être même de la presse mondiale mais je n’ai pas le moyen de le vérifier). Il s’agit de « DSK Résident ». Ce matin, un journaliste d’Europe 1 racontait qu’il s’était aperçu dans la salle d’audience que beaucoup de personnes dans le public utilisaient leur téléphone portable. Il a alors eu l’idée d’envoyer des messages sur Twitter, tweets repris ensuite par la station de radio. Une nouvelle façon de renforcer la dictature de l’immédiateté mais, en même temps, des changements dans la transmission de l’information très excitants. Jean-François Kahn a eu des propos malheureux sur France Culture en parlant de « troussage de domestiques ». Il s’en explique sur le site de Marianne et dans la version papier de l’hebdomadaire :

« Qu’est-ce que vous faites quand vous avez de solides relations d’amitié avec quelqu’un auquel vous êtes idéologiquement profondément opposé et que la catastrophe s’abat sur lui ? Vous vous concentrez sur l’antagonisme ou sur votre amitié ? Vous vous dites, socialement et philosophiquement, « j’ai toujours été hostile à ce monde » ou, humainement et intellectuellement, « j’ai beaucoup apprécié ce personnage » ? Vous cherchez à vous convaincre que ce « tremblement de terre » précipitera peut-être la reconstruction d’un Parti Socialiste malade, dont vous recommandiez justement naguère la dissolution ? Ou vous ne pensez qu’à l’épouse, qui vit une tragédie épouvantable, à qui me lient tant de chaleureuses complicités, et dont j’ai si souvent eu l’occasion d’apprécier les inestimables qualités de cœur ? Vous laissez éclater votre fureur à l’égard de ceux – cet entourage, ce milieu précisément – qui ont favorisé cette situation désastreuse dont la République toute entière est aujourd’hui victime, ou bien vous exprimez votre indicible compassion à l’égard d’une famille dont tout être humain devrait ressentir, en son tréfonds, l’injuste et cruelle souffrance ? Eh bien oui, toutes ces contradictions sont en moi et, au-delà de la faute, je préfère qu’elle m’écartèle que de les censurer. Quand, dimanche, la nouvelle inimaginable de l’accusation portées contre Strauss-Kahn furent connue, invité à neuf heures du matin sur Europe 1 à propos de la publication d’un livre consacré à « la philosophie de la réalité », je dus réagir à chaud. Or, je ne croyais pas à la théorie du complot. J’étais convaincu qu’il s’était en effet passé quelque chose d’inacceptable. Je l’ai dit ou je l’ai laissé entendre de façon peut-être trop directe. D’autant que j’ajoutais que c’en était fini de la candidature présidentielle de DSK. J’en pris plein la figure. Le lendemain, même situation sur France Culture : peut-être dans l’intention de rééquilibrer, je tenais à exprimer mon refus, presque viscéral, de croire à la violence absolument insupportable d’un viol et mon espérance qu’il s’agisse - et c’est alors que l’expression condamnable m’échappa - d’une tentative de « détroussage d’une femme de chambre ». D’où le tollé. Normal. Juste. Il ne s’agissait nullement dans mon esprit de minimiser quoique ce soit, et tous les présents le comprirent ainsi, mais d’exorciser l’idée du pire. L’expression n’en était pas moins totalement inacceptable. J’ai rarement vécu une telle déchirure intérieure. Il faut l’assumer. »

Peut-être que Bernard-Henri Lévy et Robert Badinder vont eux aussi présenter des excuses quant à certains de leurs propos.