Un rêve de Phébus

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octobre 2008

Il donnait l’impression de le croire

Comme souvent, le Monde (2 octobre 2008) ne donne pas dans l’originalité à propos de la crise financière, avec par exemple un papier assez plaisant intitulé « La revanche de Keynes ». Pascal Salin est plus iconoclaste dans les Echos (1 octobre 2008) en expliquant que cette crise traduit « l’échec d’un Etat pas assez libéral ». Avant-hier, un collègue proclamait en riant que l’économie avait disparu. Il donnait l’impression de le croire. Dans le Magazine des Livres (octobre-novembre 2008), Thierry Richard réalise une excellente interview de Benoît Duteurtre, qui (...)

Adage

La crise financière inquiète certains élèves. La référence à la crise de 1929 commence à apparaître dans leurs questions. Des collègues aussi posent des questions. Le professeur de sciences économiques devient ainsi une sorte de référent, rôle bien trop grand pour lui. Je me contente de répéter l’adage qui veut que les économistes savent très bien prévoir le passé mais qu’ils ont plus de mal avec l’avenir. Entendu sur France Inter : une personne de gauche a beaucoup plus de mal à vivre avec une personne de droite que l’inverse. M manifeste plus souvent son (...)

Fin

Vivons nous une récession ? Telle est la question qui agite le petit monde politico-journalistique. Le gouvernement dément mais l’un de ses membres, le ministre du budget, avoue une récession, mais une récession technique. Le numéro de la Presse littéraire qui vient de sortir sera le dernier : pas assez de ventes. Le titre subsistera sous forme de pages supplémentaires au Magazine des Livres, plus grand public. (...)

M faisait déjà le retour sur ses petites jambes

C’est amusant de regarder A se comporter comme une mère poule vis-à-vis de son petit frère. A table, elle lui dit de bien mettre sa cuillère dans sa bouche et le félicite d’un bravo lorsqu’il mange bien tout seul. Pendant ce temps-là, elle, qui n’est déjà pas très véloce, oublie de manger. Les progrès de M dans la marche sont très rapides. Martine envisage de ne plus prendre la poussette pour les trajets de la maison à l’école. M faisait déjà le retour sur ses petites jambes. (...)

Il n’avait pas commencé de parler que la salle riait déjà

Correction de copies cet après-midi avec l’émission de Michel Drucker consacrée à la sortie du film d’Antoine De Caunes, Coluche l’histoire d’un mec, en bruit de fond. Le film ne traite pas toute la vie du comique mais la période où il était candidat à l’élection présidentielle de 1981. François-Xavier Demaison, qui incarne Coluche, est saisissant de vérité. C’était émouvant de revoir des images de cette époque passionnante. J’essaie de me rappeler ce que je pensais alors de sa candidature. Je devais la trouver excitante je pense, mais je devais aussi me dire (...)

Mais pourquoi a-t-il gardé son manteau ?

M est tombé du canapé. Une balafre orne sa joue. Martine a essayé de lui mettre un pansement mais il ne l’a pas supporté. Bêtise d’A qui s’est sauvée sur le chemin du retour de l’école. Cela en faisait des choses à me raconter lorsque je suis rentré du lycée. Un peu plus tard A m’a dit qu’elle s’était sauvée parce que J l’avait appelée. Ce matin, après avoir bu un peu du biberon d’eau qui accompagne ses nuits, elle a prononcé cette phrase : « j’ai bu ma soif ». Michel Houellebecq et Bernard-Henri Lévy étaient invités par le journal de 20 heures de (...)

Soyons précis

Tout à l’heure, Martine a déclaré qu’elle allait chercher sur internet une recette pour faire des pommes. Peu de temps après, A me demande si maman fait des pommes. Après mon acquiescement, elle ajoute « avec les peaux ? ». Plutôt que « faire des pommes », il aurait été plus judicieux de dire « cuisiner des pommes ». De même, au lieu de demander à M de faire rouler une petite voiture vers moi, je lui ai dit de l’envoyer, avant de vite changer ma requête lorsque je l’ai vu lever le bras. Martine Aubry et Pierre Delanoé ont décidé d’appliquer la loi (...)

La constance de M

Depuis quelques jours, M dit « papa », même s’il m’appelle encore « maman » avec une belle constance. En ce moment, A rencontre deux fois sa maîtresse le mercredi, la matin pendant que nous faisons les courses et l’après-midi au gymnase. Elle est ravie. Hier soir, elle m’avait demandé « tu crois que nous verrons la maîtresse dans le magasin ? ». Maîtresse ou non, je n’ai plus intérêt à partir en courses sans elle. (...)

Il faut continuer de lire des romans

Fin d’après-midi, Martine vient de mettre couler l’eau du bain des enfants et prépare leurs pyjamas. Ensuite, je les ferai dîner puis conduirai Nath au sport. Début de soirée, tout s’est passé comme annoncé dans la phrase précédente. Comme quoi les prévisions se révèlent parfois justes. Jean-Marie Le Clézio était d’ailleurs l’un des favoris du prix Nobel de littérature, qui vient de lui être attribué. « Mon message est qu'il faut continuer de lire des romans car c'est un bon moyen de comprendre le monde actuel. Le romancier n'est pas un philosophe, ni un (...)

Je suis devenu une sorte de héros

D’après A, Martine est la chef de la peinture. Quant à moi, je suis le chef des économies et des échecs. Il est près de vingt heures, je viens de coucher les enfants. Lorsque j’ai mis A au lit, M, couché une quinzaine de minutes plus tôt, dormait profondément. Jean-François Kahn, qui se félicite souvent d’avoir eu raison, le fait de nouveau à propos de la crise financière. Il assène des choses indémontrables ou fausses comme ces histoires de néo-libéralisme ou de néo-capitalisme. Une collègue philosophe m’a fait remarquer que j’étais devenu une sorte de héros (...)

Copies

Ce matin, A m’a accompagné dans mon rôle de taxi pour sa grande sœur, que je suis allé chercher chez un ami où elle avait passé la nuit pour la conduire à une gare proche. Concentré sur la route, j’ai oublié de lui fêter son anniversaire mais me suis rattrapé quelques instants plus tard au téléphone. Ensuite, j’ai consacré presque tout l’après-midi à la diminution de mon monceau de copies. (...)

C’est déjà le début de l’émancipation

A a fait la relation entre la vaisselle et la radio. Le soir, comme il y a la radio, je fais la vaisselle. Mais comme le midi, il n’y a pas la radio, on ne fait pas la vaisselle. M malade, c’est la maman d’un des copains d’A qui a fait avec elle les trajets de l’école cet après-midi. Elle était impatiente de la voir arriver. C’est déjà le début de l’émancipation. En allant dans les magasins, elle s’est d’ailleurs aperçue que des enfants font des courses seuls. (...)

Deux Phébus...

Je suis venu à bout de mes tonnes de copies, mais j’en récupérerai de nouvelles demain et jeudi. M est malade depuis deux jours, une gastro. Des signes avant-coureurs montrent que viendra bientôt le tour d’A. Le petit garçon évoqué hier soir ne veut pas croire que je m’appelle Phébus. C’est aussi le prénom de son papa. Manuel Vals s’est engagé dans le soutien à une Ségolène lancée à la conquête du parti socialiste. Je me demande ce qu’il va faire dans cette galère. (...)

Il faut bien que je me maintienne au courant

J’ai craqué, je me suis inscrit sur un Facebook pourtant déjà ringardisé par les tenants du in en matière d’informatique. Mais oui, Nanette, je serai volontiers ton ami. Mes élèves ont plus ou moins laissé tomber leurs blogs respectifs et ont basculé sur le réseau social, je me devais de les suivre. Il faut bien que je me maintienne au courant. (...)

Photos

D’après Martine, M a peu lâché dans la journée l’appareil photo d’A. Il marchait en mettant l’appareil devant ses yeux, comme s’il prenait des photos, et tombait, ne voyant plus rien. Facebook, premier épisode : 43 amis en 24 heures, sachant que je les connais tous dans la vie réelle. Une cohorte imposante d’anciens élèves… Dans le Figaro du jour (16 octobre 2008), Benoît Duteurtre prend la défense de son ami Milan Kundera, accusé d’avoir dénoncé un étudiant anti-communiste à la police tchécoslovaque lorsqu’il était jeune. (...)

Il titubait encore un peu en marchant

M va mieux. Il a retrouvé un appétit pas vraiment disparu. Hier, il titubait encore un peu en marchant, exercice qu’il maîtrise depuis peu. Aujourd’hui, ça allait mieux. J’ai eu le plaisir de trouver dans notre boite à lettres le numéro 16 de la Presse littéraire, numéro collector puisque ultime. Je ne sais pas encore si mes chroniques vont migrer vers le Magazine des Livres. (...)

Papa blagueur

Un « pourquoi » parmi des milliers d’autres : « maman, pourquoi les papas sont des blagueurs ? ». A l’a déjà dit à sa maîtresse d’ailleurs que son papa est un blagueur. Le Figaro Magazine (18 octobre 2008) titre sur « 10 raisons d’être optimiste », « malgré les conséquences de la tempête littéraire ». Mais lisez plutôt le « musée imaginaire » de Jean d’Ormesson et surtout l’entretien avec Guillaume Depardieu, décédé en début de semaine d’une pneumonie foudroyante. (...)

Emission nostalgique

Dimanche après-midi, Michel Druker dans ce qu'il sait le mieux faire, les émissions nostalgiques. Aujourd'hui, c'est Jacques Martin qui en est le héros posthume. Nous avons ainsi l'occasion d'entendre des témoignages et de revoir des images fort sympathiques. C'est au tour de Laurent Ruquier, jamais avare de paroles de reconnaissance envers celui qui l'a vraiment lancé. Presque 15 heures 30, A vient de terminer sa sieste, je lui ai mis son collant. J'entends M qui est encore dans son lit. Il émerge progressivement. (...)

Comme un lundi

Cinq heures de cours le lundi après-midi, dont je sors assez exténué. J’ai l’impression de peu avancer dans mes deux classes gigantesques, surtout en terminale où je fais l’effort de répondre à toutes les questions posées, même à celles qui ne mériteraient pas de réponse. Elles arrivent souvent en fin de séance, comme s’ils étaient synonymes de pause. Décès de Sœur Emmanuelle, médiatique figure de proue de la lutte contre la pauvreté qui, contrairement à beaucoup de spécialistes, avait réellement mis les mains dans le cambouis. C’était une sœur de Sion. (...)

Les Américains n’aiment pas

La réforme du lycée se précise, une réforme ni bonne ni même utile à mon sens. Au risque de choquer, le lycée offre des formations variées et fonctionne bien pour les élèves qui ont une situation sociale au moins décente. Mais il est plus facile de se lancer dans une millième réforme de l’éducation nationale que de soigner les divers fléaux sociaux. L’économie, accessible actuellement en option, ne fera bien entendu pas partie des matières dominantes enseignées dans la nouvelle seconde. C’est vrai que l’économie, ce n’est pas quelque chose de très important. (...)

Nous n’avons pas rencontré la maîtresse dans le magasin

Peur d’A ce soir qui s’était enfermée dans les toilettes et qui ne réussissait plus à ouvrir. Guidée, elle a fini par pouvoir tourner le mécanisme qui sert de clef et nous espérons que la leçon aura porté. Ce matin, elle ne voulait pas croire que nous étions mercredi et voulait aller à l’école. Martine lui dit alors qu’elle verra sa maîtresse dans le magasin (ce qui se produit régulièrement le mercredi matin) et qu’elle pourra ainsi constater qu’elle n’est pas à l’école. Nous n’avons pas rencontré la maîtresse dans le magasin. (...)

Insouciance

Hier soir, à M., j’ai croisé une ancienne collègue amie d’enfance. Elle vient de perdre sa maman. Nous sommes arrivés à un âge où l’on se rend vraiment compte de la vieillesse, de la diminution des générations qui nous précèdent. Nous avons évoqué l’insouciance de notre enfance. Je l’ai plus évoquée comme une idée car j’ai le sentiment de ne jamais avoir connu cette insouciance, ou alors de l’avoir quittée très tôt. A midi, au lycée, nous avons reçu la visite de plusieurs jeunes mamans avec leurs bébés (des jumeaux pour l’une d’entre elles). M n’est (...)

Jumeaux

Comme j’ai parlé hier de jumeaux, A voulait ce matin que son petit frère soit son jumeau. Martine avait du mal à la convaincre que M était son frère mais pas son jumeau. C’est avec plaisir que je retrouve sur Facebook des noms d’anciens élèves. Je ne demande un contact qu’avec certains, un peu au hasard. Les noms me replongent quelques années en arrière. Le réseau social étant très générationnel, je ne suis pas certain de pouvoir retrouver des noms encore plus anciens. (...)

Qui le fera à ma place ?

Retour de nos courses dominicales, nous croisons une voiture de police. « A, regarde la voiture de police ». Elle me répond : « police, c’est écrit dessus » ; puis : « on a bien écouté, parce que sinon on va en prison, c’est une grosse punition ». L’état de délabrement des prisons françaises lui donne encore plus raison. Je n’aime pas plus l’hystérie anti Bush que l’hystérie anti Sarko ; je n’aime pas non plus cette pratique hautaine des Français qui consiste à se mêler des élections américaines ; enfin, je n’aime pas les mouvements de mode. (...)

Professeur de lettres dans une île lointaine

Parmi les anciens élèves retrouvés grâce à Facebook, l’un porte mon prénom. A cette époque, nous étions deux professeurs d’économie à enseigner au lycée, une collègue plus ancienne et moi, jeune professeur. Au moment de la répartition des élèves, elle a décidé de ne pas en prendre deux, trop terribles. Je ne pouvais faire autrement que d’accepter. Les deux années qui ont suivi se sont très bien passées et ils font partie des élèves qui m’ont laissé le meilleur souvenir. Celui que j’ai retrouvé a commencé des études de philosophie, a créé son entreprise et (...)

Les journalistes aiment bien partager leur inculture.

Parmi les tartes à la crème ressassées à propos de la crise financière celle qui prétend que les économistes n’ont rien vu venir n’est pas la dernière. Pour l’agrémenter, on met en avant deux ou trois Cassandre, que bien entendu personne n’a écouté. Les journalistes aiment bien partager leur inculture. « Beaucoup d’experts et de commentateurs pointaient depuis des mois, voire quelques années pour les plus pessimistes, les risques d’une catastrophe à venir » (Jacques Mistral, « Vingtième siècle – Revue d’histoire », janvier-mars 2008, repris dans (...)

Débat

En rentrant de courses rondement menées, j’ai écouté dans la voiture un débat entre Philippe Tesson et une écrivain. Je me suis beaucoup amusé lorsque celle-ci, après avoir proféré pas mal d’absurdités sur l’économie, a déclaré qu’elle n’avait rien à dire sur les téléchargements illégaux sur le net car elle ne connaissait pas le sujet. Tesson, que j’ai connu plus incisif, n’en a même pas profité pour l’enfoncer. C’est un gentleman. Elle a précisé pour étayer son propos qu’elle avait des amis musiciens et que le problème était complexe. L’économie (...)

La meilleure part des hommes

Le philosophe a écrit que ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Il se trompe, ce qui ne te tue pas te mine, t’use, comme un processus de destruction lente et certaine. Il arrive un moment où tu ne supportes plus la moindre sonnerie du téléphone, où tu redoutes d’écouter tes messages, qui ne peuvent qu’annoncer le pire. Lecture du roman de Tristan Garcia, « La meilleure part des hommes ». Plusieurs critiques se sont extasiés du fait qu’il raconte une histoire qu’il n’a pas vécue (ce qui est écrit en quatrième de couverture, le travail est mâché). Mais c’est tout (...)

La logique des enfants

J’ai passé la journée à Paris hier. J’ai notamment fait un saut chez ma sœur. A m’a beaucoup évoqué par de multiples questions posées à sa maman. Extrait, pas forcément mot à mot mais presque : - Il a pris la voiture rouge papa ? - Non. - Il a pris la voiture bleue. - Non, il a pris le train. - Pourquoi il a pris le train papa ? - Parce que Paris c’est loin (après une hésitation). - Mais pourquoi on prend la voiture pour aller à Paris voir tata E ? La logique des enfants… (...)